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Réorganisation de la profession et de la supervision des réviseurs d'entreprises

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En transposant la directive européenne 2014/56 en droit belge et en mettant en ?uvre le règlement européen n° 537/2014, le législateur fédéral a réorganisé la profession et la supervision publique des réviseurs d’entreprises. La nouvelle loi du 7 décembre 2016 entre, en grande partie, en vigueur à une date à fixer par le Roi et au plus tard le 31 décembre 2016.

Transposition de la législation européenne

La directive 2014/56/UE du 16 avril 2014 a modifié la directive 2006/43/CE du 17 mai 2006 (Directive audit) en ce qui concerne les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés.

Le règlement (UE) n° 537/2014 du 16 avril 2014 contient quant à lui des exigences spécifiques applicables au contrôle légal des comptes des entités d’intérêt public (EIP).

Conjointement, la directive 2014/56/UE et le règlement (UE) n° 537/2014 ont réformé en 2014 l’audit en profondeur. Cette réforme a permis à l’Europe d’améliorer la qualité de l’audit après que la crise financière a mis en évidence de nombreuses lacunes en matière de contrôle légal des comptes annuels et des comptes consolidés, surtout dans le secteur bancaire et au niveau des entreprises cotées en bourse.

Les Etats membres avaient jusqu’au 17 juin 2016 pour transposer la directive 2014/56/UE en droit national.
La loi du 29 juin 2016 ‘portant dispositions diverses en matière d’Economie’ a déjà fixé des règles temporaires pour la rotation externe des réviseurs d’entreprises et leurs sociétés professionnelles, chargés du contrôle légal des comptes annuels des EIP.

La nouvelle loi du 7 décembre 2016 adapte maintenant également les textes législatifs suivants :

  • La loi du 22 juillet 1953 ?créant un Institut des Réviseurs d?Entreprises et organisant la supervision publique de la profession de réviseur d’entreprises, coordonnée le 30 avril 2007?.Cette loi sera abrogée à une date à déterminer par le Roi et au plus tard le 31 décembre 2016 (art. 144, § 1er, et art. 156, § 1er de la loi du 7 décembre 2016). Les dispositions pertinentes de la loi du 22 juillet 1953 ayant trait, notamment, à l?organisation de la profession des réviseurs d?entreprises sont conservées, mais la nouvelle loi insère aussi plusieurs nouvelles règles relatives, notamment, à l?indépendance du réviseur d?entreprises.
  • La loi du 2 août 2002 ?relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers?, en ce qui concerne la création de deux chambres au sein de la commission des sanctions de la FSMA, les nouvelles compétences de cette commission, le traitement par la cour d?appel des recours contre les décisions de la FSMA, etc. (titre 4 de la loi du 7 décembre 2016).
  • Le Code judiciaire (C.jud.), en ce qui concerne les modifications apportées aux compétences de la cour d?appel et de la Cour de cassation (titre 8 de la loi du 7 décembre 2016).
  • La loi du 25 avril 2014 ?relative au statut et au contrôle des établissements de crédit?, en ce qui concerne le fonctionnement du comité d?audit et le rapport complémentaire (titre 6 de la loi du 7 décembre 2016).
  • La loi du 13 mars 2016 ?relative au statut et au contrôle des entreprises d?assurance ou de réassurance?, en ce qui concerne le fonctionnement du comité d?audit et le rapport complémentaire (titre 7 de la loi du 7 décembre 2016).
  • Le Code des sociétés (C.Soc.) (voir ci-après).
  • Ci-dessous, nous traçons les grandes lignes de la loi du 7 décembre 2016.

    Profession de réviseur d’entreprises

    La loi du 7 décembre 2016 réorganise en premier lieu la profession de réviseur d’entreprises (art. 4 à 30).

    Il s’agit concrètement :

  • de sa fonction, qui consiste, à titre principal, à exécuter toutes les missions dont l?accomplissement est exclusivement réservé par la loi ou en vertu de celle-ci aux réviseurs d?entreprises et, en particulier, les missions révisorales effectuées en exécution de la loi ou en vertu de celle-ci ;
  • de l?octroi de la qualité de réviseur d?entreprises, de son inscription et de son enregistrement ;
  • des droits et obligations du réviseur d?entreprises (indépendance) ; et
  • des incompatibilités.?Ainsi, le réviseur d?entreprises ne peut exercer des activités ou poser des actes incompatibles avec soit la dignité, la probité ou la délicatesse, soit avec l?indépendance de sa fonction.
  • Approbation des normes et recommandations

    Sans préjudice des normes internationales d’audit, l’Institut des Réviseurs d’Entreprises (IRE) formule les normes et recommandations relatives à l’exécution des missions ou utiles à la mise en application de ces missions (art. 31 de la loi du 7 décembre 2016).

    L’IRE expose publiquement le contenu de tout projet de norme ou de recommandation.

    Les normes et recommandations ne sortent leurs effets qu’après l’approbation par le Conseil supérieur des professions économiques (créé par l?art. 54 de la loi du 22 avril 1999 ‘relative aux professions comptables et fiscales’) et le ministre ayant l’Economie dans ses attributions.

    Les normes sont obligatoires pour les réviseurs d’entreprises.

    Les recommandations sont également obligatoires, à moins que le réviseur d’entreprises ne puisse motiver, dans des circonstances particulières, que l’écart opéré par rapport à la recommandation ne porte pas atteinte aux critères fixés aux articles 12 et 13 de la loi du 7 décembre 2016 (droits et obligations du réviseur d’entreprises).

    Supervision publique

    Collège de supervision des réviseurs d?entreprises

    Collège de supervision des réviseurs d’entreprises
    Un Collège de supervision des réviseurs d’entreprises est établi avec la mission de veiller au respect des dispositions du cadre législatif et réglementaire applicable et d’en contrôler l’application (art. 32 de la loi du 7 décembre 2016).

    En particulier, le Collège assume la responsabilité finale :

  • de la supervision de l?octroi de la qualité de réviseur d?entreprises ainsi que de l?inscription, de l?enregistrement, de la tenue et de la mise à jour du registre public ;
  • de la supervision de la formation permanente ;
  • de la supervision des systèmes de contrôle de qualité ; et
  • de la surveillance.
  • Le Collège qui est un organisme autonome disposant de la personnalité juridique est composé d’un Comité (organe de décision), d’un secrétaire général (chargé de la direction opérationnelle du Collège) et, le cas échéant, d’un secrétaire général adjoint.

    Le Collège exerce ses missions exclusivement dans l’intérêt général. Le Collège, les membres du Comité et le personnel de la FSMA contribuant à l’exécution des missions du Collège n’encourent aucune responsabilité civile en raison de leurs décisions, actes ou comportements dans l’exercice des missions légales du Collège, sauf en cas de dol ou de faute lourde.

    Le Collège est transparent. Cette transparence inclut la publication sur base annuelle de son programme de travail et d’un rapport d’activité relatif à ses missions.

    La loi du 7 décembre 2016 décrit en outre plus en détail les thèmes suivants liés au Collège de supervision des réviseurs d’entreprises :

  • la composition du Collège (art. 35),
  • les réunions du Collège (art. 38),
  • le siège, le secrétariat et les frais de fonctionnement du Collège (art. 40),
  • la délégation de certaines missions du Collège (art. 41), et
  • la représentation du Collège (art. 43).
  • Secret professionnel

    Le Collège de supervision des réviseurs d’entreprises, le président et les membres du Comité, les membres de la commission des sanctions, le personnel de la FSMA contribuant à l’exercice des missions du Collège ainsi que les personnes ayant exercé par le passé les fonctions précitées sont tenus au secret professionnel et ne peuvent divulguer à quelque personne ou autorité que ce soit les informations confidentielles dont ils ont eu connaissance en raison de leurs fonctions (art. 44 et 45 de la loi du 7 décembre 2016).

    Contrôle de qualité, surveillance, pouvoirs et mesures

    Le Collège de supervision des réviseurs d’entreprises soumet les réviseurs d’entreprises à un contrôle de qualité sur la base d’une analyse du risque et au moins tous les six ans (art. 52 de la loi du 7 décembre 2016).

    Le contrôle de qualité est une procédure d’examen de l’activité professionnelle d’un réviseur d’entreprises. Il a notamment pour but de vérifier que le réviseur d’entreprises contrôlé est doté d’une organisation appropriée par rapport à la nature et à l’étendue de ses activités. Ce contrôle vise également à garantir au public et aux autorités de contrôle que les réviseurs d’entreprises effectuent leurs travaux conformément aux normes de contrôle et aux règles déontologiques en vigueur.

    L’examen de contrôle de qualité repose sur une analyse des mesures en matière de système interne de contrôle de qualité mises en place par le cabinet de révision et de l’effectivité de ce système interne de contrôle de qualité.

    Le Collège est compétent pour adopter les conclusions du contrôle de qualité.

    Lorsque des recommandations sont formulées à l’issue d’un contrôle de qualité, le Collège vérifie si les réviseurs d’entreprises donnent suite dans le délai qu’il fixe aux recommandations formulées. L’absence de suivi par le réviseur d’entreprises des recommandations qui lui sont adressées peut, le cas échéant, donner lieu, en fonction de la gravité des faiblesses constatées, à l’imposition de mesures visées à l?article 57 et/ou de mesures ou amendes administratives visées à l?article 59 de la loi du 7 décembre 2016.

    Le Collège organise la surveillance des cabinets d’audit enregistrés pour ce qui concerne les missions de contrôle légal des comptes effectuées en Belgique.

    Aux fins de sa mission de veiller au respect des dispositions du cadre législatif et réglementaire applicable, le Collège peut (art. 54 de la loi du 7 décembre 2016) :

  • accéder aux données liées au contrôle légal des comptes ou à d?autres documents détenus par les réviseurs d?entreprises, sous quelque forme que ce soit, utiles à l?accomplissement de leurs missions, et en recevoir ou en prendre une copie ;
  • obtenir de toute personne des informations et documents liés au contrôle légal des comptes ;
  • obtenir des réviseurs d?entreprises la production, dans le délai qu?il fixe, de toute information, déclaration ou document, et notamment :les relevés de missions révisorales acceptées par eux,leurs programmes et documents de travail,toute information, déclaration ou document relatif à leurs liens avec d?autres personnes faisant partie de leur réseau et ayant ou non, dans un Etat membre ou dans un pays tiers, la qualité de contrôleur légal, de cabinet d?audit, de contrôleur ou d?entité d?audit de pays tiers, et aux missions acceptées par ces personnes auprès d?une société, entreprise ou association auprès de laquelle le réviseur d?entreprises accomplit ou a accompli une mission dont l?exercice est réservé aux réviseurs d?entreprises ; et
  • procéder à des inspections sur place de réviseurs d?entreprises et prendre connaissance et copie sur place de tout document, fichier et enregistrement et avoir accès à tout système informatique.
  • Le Collège ne peut faire usage de ces pouvoirs qu’à l’égard :

  • des réviseurs d?entreprises et des cabinets d?audit ;
  • des personnes participant aux activités des réviseurs d?entreprises ;
  • des entités d?intérêt public contrôlées, de leurs entités affiliées et des tiers qui y sont liés ;
  • des tiers auprès desquels les réviseurs d?entreprises ont externalisé certaines fonctions ou activités ; et
  • des personnes autrement liées ou associées aux réviseurs d?entreprises.
  • La commission des sanctions de la FSMA est l’organe compétent pour la prise de mesures et amendes administratives en cas d’infraction aux dispositions légales, réglementaires et normatives applicables (art. 59 de la loi du 7 décembre 2016).

    Lorsqu’elle constate une infraction aux dispositions légales, réglementaires et normatives applicables, cette commission peut prendre, notamment à l’égard des réviseurs d’entreprises, des mesures suivantes :

  • un avertissement ;
  • une réprimande ;
  • une déclaration publique indiquant le nom de la personne responsable et la nature de l?infraction, sur le site web de la FSMA ;
  • une interdiction temporaire d?une durée maximale de trois ans à l?encontre du réviseur d?entreprises, du cabinet d?audit enregistré ou du représentant permanent de procéder à tout service professionnel ou services déterminés ;
  • une déclaration publique indiquant que le rapport d?audit ne remplit pas les exigences ;
  • une interdiction temporaire d?une durée maximale de trois ans, à l?encontre d?un membre d?un cabinet de révision ou d?un membre de l?organe d?administration ou de direction d?une entité d?intérêt public, d?exercer des fonctions au sein de cabinets de révision ou d?entités d?intérêt public ;
  • le retrait de la qualité de réviseur d?entreprises ;
  • une amende administrative qui ne peut être supérieure à 2.500.000 euros pour le même fait ou pour le même ensemble de faits. Lorsque l?infraction a procuré un profit au contrevenant ou a permis à ce dernier d?éviter une perte, le maximum de l?amende peut être porté au triple du montant de ce profit ou de cette perte.
  • La loi du 7 décembre 2016 aborde en outre les éléments suivants liés à la supervision du réviseur d’entreprises :

  • les voies de recours (art. 61),
  • les sanctions pénales (art. 62), et
  • l?assemblée consultative pour la supervision publique de la profession des réviseurs d?entreprises (art. 63).
  • Institut des Réviseurs d’Entreprises

    L’Institut des Réviseurs d’Entreprises (IRE), dont le siège est établi dans l’arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale, jouit de la personnalité juridique et a pour objet d’assurer l’organisation permanente d’un corps de spécialistes capables de remplir la fonction de réviseur d’entreprises avec toutes les garanties requises au point de vue de la compétence, de l’indépendance et de la probité professionnelle.

    Dans un chapitre séparé (art. 64 à 81), la loi du 7 décembre 2016 décrit notamment le fonctionnement, les missions (déléguées) et le secret professionnel de l’Institut des Réviseurs d’Entreprises (IRE).

    Code des sociétés

    La loi du 7 décembre 2016 apporte donc aussi plusieurs modifications au Code des sociétés (art. 92 à 131).

    Les principaux éléments de la réorganisation pour ce qui concerne les sociétés sont les suivants :

  • l?introduction d?une définition d?entités d?intérêt public (EIP) (art. 93) ;
  • une réforme en matière de comités d?audit (art. 131) ;
  • une clarification du rôle du conseil d?entreprise dans la nomination du commissaire (art. 101) ; et
  • les interruptions de mandats de commissaire (art. 115).
  • Les principaux éléments de la réorganisation pour ce qui concerne les réviseurs d?entreprises sont :

  • le contrôle des comptes consolidés ? responsabilité de l?auditeur du groupe (art. 123) ;
  • la limitation de la responsabilité du commissaire ;
  • les changements apportés au rapport d?audit ;
  • le rapport d?audit en cas d?audit conjoint (art. 120) ;
  • la déontologie applicable aux réviseurs d?entreprises ? réforme de la structure des bases légales et clarification des bases légales ;
  • les services non-audit interdits (communément appelée la ?black list?) (art. 108-109) ;
  • le rapport entre les honoraires liés au contrôle légal des comptes et les honoraires liés à des services autres que d?audit (règle dite ?one to one? / limite des 70%) (art. 110-111) ;
  • le caractère public des honoraires relatifs au contrôle légal des comptes et des honoraires complémentaires (art. 112-113).
  • La loi du 7 décembre 2016 adapte le Code des sociétés en outre au niveau de la terminologie, notamment en ce qui concerne les notions de ‘contrôle légal des comptes’ et de ‘cabinet d’audit enregistré’.

    Le mot ‘attestation’ est remplacé par ‘rapport sur le contrôle légal des comptes’. Par contre, l’expression ‘rapport du commissaire’ est maintenue.

    Les termes ‘attestation sans réserve’ et ‘attestation avec réserves’ sont désormais qualifiés d’opinion sans réserve et d’opinion avec réserves. Les notions ‘opinion négative’ et ‘déclaration d’abstention’ sont restées inchangées.

    Alors qu’auparavant les mots ‘honoraires’, ‘émoluments’ et ‘rémunération’ étaient utilisés, seul le terme ‘honoraires’ est désormais employé dans le Code des sociétés pour désigner la rétribution obtenue par un réviseur d’entreprises, que ce soit dans le cadre d’une mission de contrôle légal des comptes ou pour d’autres missions en sus du contrôle légal des comptes.

    En vigueur

    La loi du 7 décembre 2017 entre en vigueur à une date fixée par le Roi, et au plus tard le 31 décembre 2016.

    Source: Loi du 7 décembre 2016 portant organisation de la profession et de la supervision publique des réviseurs d’entreprises, MB 13 décembre 2016.

    Voir également :
    Directive 2014/56/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 modifiant la directive 2006/43/CE concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés, JO L 158 du 27 mai 2014, p. 196.
    Règlement (UE) n° 537/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux exigences spécifiques applicables au contrôle légal des comptes des entités d’intérêt public et abrogeant la décision 2005/909/CE de la Commission, JO L 158 du 27 mai 2014, p. 77.
    Rectificatif au Règlement (UE) n° 537/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux exigences spécifiques applicables au contrôle légal des comptes des entités d’intérêt public et abrogeant la décision 2005/909/CE de la Commission, JO L 170 du 11 juin 2014, p. 66.
    Directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés et modifiant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil, et abrogeant la directive 84/253/CEE du Conseil, JO L 157 du 9 juin 2006 (Directive audit).