Le Conseil national du travail (CNT) a clôturé la première phase de ses travaux relatifs à la loi sur la continuité des entreprises (LCE) par la conclusion des CCT n° 102 et n° 5 quater. En vertu de cette loi, le CNT est habilité à régler de façon plus précise les droits des travailleurs concernés par un transfert sous autorité de justice (transfert d’entreprise dans le cadre d’une réorganisation judiciaire). Cette figure juridique fera réellement son entrée dans le droit du travail lorsque le Roi aura ratifié la convention n°102.
La LCE ne s’occupe que brièvement de la question des droits des travailleurs repris. En pratique, cela engendre d’ailleurs certaines tensions entre syndicats et employeurs. Le législateur a cependant laissé une porte ouverte permettant aux partenaires sociaux de prévoir des règles plus précises qui peuvent déroger à la loi.
Tel était l’objet de la séance du CNT du 5 octobre 2011. Par leurs CCT, les partenaires sociaux ont trouvé un compromis. Ils donnent ainsi toutes les chances de réussite à la formule du transfert sous autorité de justice. Cette mesure permettra de sauver l’entreprise en difficulté ainsi que l’emploi qui y est lié.
Néanmoins, les dispositions de la LCE restent d’application jusqu’à la ratification par le Roi de la CCT n°102.
En principe, la CCT n° 102 dispose que les droits et obligations qui résultent des contrats de travail des travailleurs repris existant à la date du transfert sous autorité de justice sont automatiquement transférés au repreneur. Ce dernier ne peut toutefois être tenu des droits et obligations qui ont été convenus individuellement entre le débiteur et ces travailleurs que dans la mesure où il en a été informé.
Les parties peuvent déroger à ce principe en modifiant les conditions de travail existantes avant le transfert. Tant les dispositions collectives que les dispositions individuelles peuvent être visées. A noter que certaines prestations comme les prestations d’invalidité sont de toute manière soustraites du principe du transfert des droits des travailleurs repris.
Ces possibilités de dérogation au principe du maintien des droits ont pour objectif d’accroître les chances de réussite de la reprise d’une entreprise.
Le repreneur peut choisir les travailleurs qui seront repris mais ce choix ne peut pas être arbitraire. Il doit être dicté par des raisons techniques, économiques ou organisationnelles. Par ailleurs, le repreneur ne peut effectuer une différenciation interdite lors de ce choix. En d’autres mots, il ne peut soumettre les représentants des travailleurs de l’entreprise transférée à un traitement différencié uniquement en raison de leur activité exercée comme représentant des travailleurs.
Il est crucial, tant pour les travailleurs repris que pour les travailleurs non repris, d’être informés préalablement des décisions envisagées. Dans les entreprises sans conseil d’entreprise ni délégation syndicale, les travailleurs concernés par le transfert doivent être informés préalablement :
Par ailleurs, il est aussi important que le candidat-repreneur soit parfaitement informé de ce à quoi il pourrait éventuellement s’engager. Ainsi, il est informé par écrit :
Les travailleurs reçoivent également cette information de façon personnalisée par courrier recommandé. S’ils constatent des irrégularités, ils peuvent en contester le contenu.
Le débiteur ou le mandataire de justice et le candidat-repreneur doivent conclure une convention de transfert projeté. En vertu de l’article 13 de la CCT n°102, elle doit au moins contenir la liste des travailleurs qui seront repris, des dettes et actions, des droits et obligations, et les éventuelles modifications de ces droits et obligations. La convention doit aussi mentionner les éventuelles contestations individuelles et la date proposée du transfert sous autorité de justice.
La date du transfert correspond à celle dont il est pris acte dans le jugement du tribunal de commerce qui autorise le transfert. Cette date est déterminée sur la base de la date proposée dans la convention de transfert projeté. Elle doit correspondre à la date du transfert effectif. Il est essentiel de déterminer une date certaine compte tenu de l’intervention possible du Fonds de fermeture.
La convention de transfert projeté peut faire l’objet d’une homologation par le tribunal du travail, dans la mesure où elle se rapporte aux droits des travailleurs qui seront repris.
Les créances des travailleurs non repris restent, comme auparavant, à charge du débiteur-cédant, avec une garantie du Fonds de fermeture. La nouvelle réglementation ne traite que des dettes du débiteur-cédant vis-à-vis des travailleurs repris. Elle est dictée par un double souci de sécurité juridique et de dosage des interventions du Fonds de fermeture.
La CCT distingue 3 hypothèses, en fonction du moment où la créance devient exigible : « avant la procédure de réorganisation judiciaire », « pendant la procédure » ou après « le transfert ».
1) Avant la procédure de réorganisation judiciaire
Le repreneur ne peut être tenu d’autres dettes à l’égard des travailleurs repris que celles dont il a été informé en vertu de son droit d’information. Pour ces dettes, le débiteur-cédant et le repreneur sont responsables in solidum. Par conséquent, le créancier peut, à son choix, recouvrer la totalité de sa créance sur le repreneur ou le débiteur, qui est alors tenu du paiement de la totalité de la dette.
2) pendant la procédure de réorganisation judiciaire
Les créances des travailleurs repris qui deviennent exigibles pendant la procédure de réorganisation judiciaire restent à charge du débiteur. Il s’agit des créances qui deviennent exigibles après la date du jugement d’ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire ou, à défaut de ce jugement, après la date du jugement qui ordonne le transfert sous autorité de justice, mais avant la date du transfert sous autorité de justice.
3) Après le transfert
Les créances des travailleurs repris qui deviennent exigibles après le transfert sont à charge du repreneur, qui est devenu le nouvel employeur.
La CCT n° 5 du 24 mai 1971 contient des dispositions protégeant les délégués syndicaux en cas de changement d’employeur résultant d’un transfert conventionnel d’une entreprise ou d’une partie d’entreprise. Elle leur permet également de poursuivre leur mandat.
La CCT n° 5 quater élargit le champ d’application de la CCT n°5 pour faire en sorte que ces règles s’appliquent également dans l’hypothèse d’un transfert sous autorité de justice. La CCT n° 5 quater entre en vigueur en même temps que la CCT n°102.
Pour rappel, ces CCT n’entreront en vigueur que lorsque les dispositions légales modificatives faisant suite à l’avis n° 1779 des partenaires sociaux auront été prises.
Source: CCT n° 102 du 5 octobre 2011 concernant le maintien des droits des travailleurs en cas de changement d’employeur du fait d’une réorganisation judiciaire par transfert sous autorité de justice.
Source: CCT n°5 quater du 5 octobre 2011 modifiant la convention collective de travail n° 5 du 24 mai 1971 concernant le statut des délégations syndicales du personnel des entreprises.
Voir aussi
Loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises, M.B., 9 février 2009 (LCE).
CCT n° 5 du 24 mai 1971 concernant le statut des délégations syndicales du personnel des entreprises, M.B., 1er juillet 1971.