La Belgique transpose enfin la directive européenne 2014/67/UE sur le ?détachement des travailleurs? dans sa législation nationale. Elle met en place de nouveaux instruments pour renforcer la protection des travailleurs détachés, le contrôle de leurs conditions de travail, et introduit un régime spécifique de ?responsabilité solidaire salariale du contractant direct dans le domaine de la construction?. Les infractions sont assorties d?amendes administratives inscrites dans le Code pénal social. Les dispositions belges s?appliquent depuis le 30 décembre 2016.
Ces mesures améliorent l’exécution de la directive 96/71/CE. Elles devaient en principe être transposées en droit national pour le 18 juin 2016. La Belgique s’y est exécutée avec un peu de retard?
La nouvelle loi consolide la protection du travailleur détaché à partir de la Belgique vers un autre Etat de l’Espace économique européen (EEE) ou vers la Suisse. L’objectif est d’éviter que la travailleur ne subisse des préjudices, de la part de son employeur établi en Belgique, en raison de procédures judiciaires ou administratives qu’il engagerait contre lui, en Belgique ou dans un autre Etat membre, pour faire valoir ses droits.
En cas de préjudice, il pourra en obtenir réparation devant les juridictions civiles belges compétentes.
Pour mieux contrôler le détachement, il convient tout d’abord de mieux cerner le phénomène. A cet effet, le législateur belge introduit deux listes d?éléments factuels, non exhaustives, dans la loi du 5 mars 2002 sur les conditions du détachement en Belgique (dont l’intitulé est modifié dans la foulée). Il s’agit de critères permettant de déterminer si le travailleur et l’employeur concernés sont bien dans une situation de ‘détachement’, et débusquer ainsi les fraudes.
Le travailleur détaché est celui qui accomplit temporairement des prestations de travail en Belgique et qui, soit travaille habituellement sur le territoire d’un ou de plusieurs pays autres que la Belgique, ou soit a été engagé dans un pays autre que la Belgique. Dans le chef de ce travailleur, il y a lieu d’examiner le ?caractère temporaire? de ses prestations de travail en vérifiant, par exemple, la date à laquelle le détachement commence, les tâches accomplies en Belgique, si l’employeur qui le détache prend bien en charge les frais de voyage, de nourriture et d’hébergement, etc.
Du côté de l?employeur qui occupe un travailleur détaché, on doit notamment évaluer son ‘établissement véritable’ en Belgique et le lieu de ses ?activités substantielles? hors Belgique : le lieu d’implantation du siège et de l’administration centrale et le lieu de paiement des impôts et des cotisations sociales; le lieu où le travailleur est détaché; le droit applicable aux contrats; le lieu principal des activités; etc. Ces critères permettent de détecter les entreprises ‘boîtes aux lettres’.
Par ailleurs, l’employeur qui détache du personnel doit dorénavant, au préalable, désigner une ?personne de liaison?. Cette personne agit pour le compte de l’employeur et sert de lien avec les services d’inspection. C’est donc elle qui reçoit ou délivre les documents sociaux dont les inspecteurs ont besoin : notamment une copie du contrat de travail ou équivalent, l’information sur la devise utilisée pour la rémunération et autres avantages et la preuve des paiements, le relevé des heures de prestations.
A la demande des services d’inspection, l’employeur (via la personne de liaison) devra délivrer une traduction de ces documents, soit dans une des langues nationales, soit en anglais. Et l’employeur est susceptible de fournir ces documents durant une période d’un an suivant la fin de l’occupation en Belgique du travailleur détaché.
Toutes les dispositions concernant la protection de la rémunération sont intégrées dans la loi du 12 avril 1965 en la matière.
En marge de la responsabilité solidaire salariale existante, un régime particulier de responsabilité solidaire est créé pour les rémunérations qui ne sont pas payées aux travailleurs du secteur de la construction par le ‘contractant direct’.
Cette responsabilité spécifique s’applique uniquement aux travaux ou services pour lesquels les 5 (sous-)commissions paritaires (SCP ou CP) suivantes sont compétentes :
L’objectif de ce nouveau régime ? Rendre solidairement responsables les maillons directs de la chaîne de sous-traitance en cas de non-paiement de la rémunération. Car par ‘contractant direct’, il faut entendre ‘le donneur d’ordres, l’entrepreneur et l’entrepreneur intermédiaire’. Ces notions sont précisées par la nouvelle législation.
Une dérogation est prévue si le ‘contractant direct’ apporte la déclaration écrite et signée par lui et son commettant (entrepreneur, entrepreneur intermédiaire, ou sous-traitant) mentionnant :
Mais cette dérogation tombe 14 jours ouvrables après que le contractant direct apprend que son commettant ne paie pas la rémunération de ses travailleurs.
Ce régime spécifique s’applique de façon identique aux travailleurs détachés ou non. Autrement dit, il s’applique aux rémunérations, excepté l’indemnité de rupture, dues à tous les travailleurs occupés en Belgique de façon permanente ou qui font l’objet d’un détachement. Il concerne les dettes salariales futures, sauf manque de prévoyance du responsable solidaire.
Contrairement à la responsabilité solidaire générale qui est limitée à un an et nécessite une notification écrite préalable de l’inspection, la ‘responsabilité solidaire spécifique’ au secteur de la construction n’est pas limitée dans le temps et est immédiate.
Les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs des secteurs privé et public peuvent intenter une action en justice pour les travailleurs lésés, moyennant leur autorisation. Ces travailleurs conservent toutefois le ‘droit d’agir personnellement, de se joindre à l’action ou d’intervenir à la cause’.
Deux nouvelles sections sont ajoutées dans le Code pénal social.
La première règle le compétence des inspecteurs sociaux en ce qui concerne la responsabilité solidaire particulière du contractant direct dans la construction.
La seconde concerne l?exécution transfrontalière des sanctions et amendes administratives pécuniaires dans le cadre du détachement. En résumé, les montants des sanctions et amendes infligées par un autre Etat membre seront recouvrés par des instances belges et versés au Trésor belge. Et inversement, les montants réclamés par des instances belges seront recouvrés par les instances de l’autre Etat membre et reviendront à ce dernier.
Le niveau de la sanction est également défini dans le Code. Ainsi, sont punis d’une sanction de niveau 2 :
Ces nouvelles dispositions, transposées en droit belge, prennent effet le 30 décembre 2016, soit 10 jours après leur publication au Moniteur belge.
Source: Loi du 11 décembre 2016 portant diverses dispositions concernant le détachement de travailleurs, M.B., 20 décembre 2016
Voir également :
? Loi du 5 mars 2002 concernant les conditions de travail, de rémunération et d’emploi en cas de détachement de travailleurs en Belgique et le respect de celles-ci, M.B., 13 mars 2002
? Arrêté royal du n° 5 du 23 octobre 1978 relatif à la tenue des documents sociaux, M.B., 2 décembre 1978
? Loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs, M.B., 30 avril 1965
? Code pénal social (6 juin 2010), M.B., 1er juillet 2010